L'Affaire Bellounis et la Première Guerre Civile Algérienne

(1957-1960)

L'un des épisodes les plus sombres et les moins racontés de la révolution algérienne

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II-7- Les Accords Franco-Bellounis

   Après les massacres de Mélouza, le FLN ne continua pas ses crimes. Cependant, Mohamed Bellounis continua la lutte tout en évitant de tomber dans les traquenards tendues par le FLN.  Celui-ci pensait profiter du moment pour gagner par la terreur les troupes de Bellounis. Il pensait également ou du moins il espérait que le colonialisme français se limiterait dans sa propagande. C’est là une sorte de collusion tacite dirigée contre Mohamed Bellounis et le MNA. En vérité, il y a là même le commencement d’une entente entre les deux adversaires de Bellounis. Retranché dans la région de Bousaâda, puis réorganisé, Bellounis, non seulement se maintient mais encore il contre attaque de temps à autre. Cette tactique dérouta les plans des adversaires qui déjà avaient escompté sa défaite.
Quelques semaines après, un officier français avait pressenti un cessez le feu à Mohamed Bellounis.

Ce premier contact a été suivi par d’autres et c’est ainsi que les deux parties ; l’armée française et le Général Bellounis sont arrivés à se mettre d’accord pour le cessez le feu. C’est en novembre 1957 que ces accords ont été rendus public à Alger comme à Djelfa, le quartier général de l’Armée Nationale du Peuple Algérien.
Quelles sont les clauses de ces accords ? Bellounis n’entendait nullement se rallier purement et simplement aux troupes françaises.
C’est en tant qu’Armée Nationale du Peuple Algérien que Bellounis à traité avec l’Armée Française. C’est ainsi qu’il s’est dégagé de ces accords les clauses suivantes :

  1. - Mohamed Bellounis est reconnu comme Général en chef de l’Armée Nationale du Peuple Algérien ;

  2. - Il est reconnu aussi l’emblème algérien qui au lendemain de ces accords flotta sur tout le territoire reconnu à l’Armée Nationale du Peuple  Algérien.

  3. - Un immense territoire allant d’Aumale à Bousaâda, Laghouat, Aflou, Tiaret et Berrouaghia via Boghari qui devient territoire national algérien ;

  4. - Bellounis et ses services politico-militaires se déplaçaient librement dans toute cette grande région pour contrôler et faire régner l’ordre, la paix et la liberté.
  5. - Des armes, des munitions, de l’équipement militaire, ainsi qu’un emprunt financier avaient été concédés à Mohamed Bellounis pour l’entretien de son armée ;
  6. Les troupes françaises n’avaient rien à faire dans cette région et aucune intervention n’était permise. Les passagers et les voyageurs étaient contrôlés par l’ANPA ; il avait également été entendu entre les deux parties contractantes que les services de l’ANPA pourraient s’étendre progressivement vers le Nord, jusqu’à l’enveloppement de l’ensemble de l’Algérie, Bellounis devait faire régner l’ordre et lutter contre la terreur pour permettre des élections libres afin de déterminer des interlocuteurs valables démocratiquement élus.

Il est évident que ces accords une fois rendus publics ont produit des réactions dans tous les milieux politiques, au sein de l’Armée d’Algérie, dans l’opinion internationale et chez le peuple Algérien. Avant de les examiner, nous pensons qu’il faudrait faire place d’abord aux déclarations de Mohamed Bellounis. On se souvient que l’Agence France-Presse, les revues ont accordé à ces accords une place importante.  
D’autre part, Bellounis lui-même a parlé à la radio d’Alger pour annoncer ce qu’il venait de faire avec les représentants du gouvernement français. Ses déclarations sont de deux sortes ; celles ayant trait aux accords et les autres concernant son activité après la signature des accords.
Au sujet des premières les déclarations de Bellounis que rapporte la presse du 7 décembre 1957, celles-ci en dehors des commentaires plus ou moins tendancieux confirme à peu près ce qui est dit plus haut de ces accords.

Le journal le Monde, déclare que Mohamed Bellounis renie le MNA, tandis que l’Observateur essaye de compromettre notre parti sans doute pour plaire au FLN.
La presse étrangère, essaye de voir la vérité dans les accords Franco-Bellounis. Aussila Gazette de Lausanne du 17 décembre 1957 précise :
« …Le cas du Général Bellounis est assez particulier. On parle à son sujet d’un « ralliement » mais à tort, et cette seule expression, employée par quelques journaux a failli, parait-il faire échouer les pourparlers… »
« …Au demeurant, l’expérience tentée avec Bellounis est blâmée, ou suscite des réserves de la part des éléments irréductibles. La Fédération des Maires de l’algérois publie une protestation à cet égard. A Paris, le député Tixier Vignancour a adressé au Ministre de la Défense Nationale une (question écrite) assez perfide, demandant à quelle unité française avaient été incorporées les troupes de Bellounis et quel était le nom de l’officier général qui les commandait. Or, de ce qui a été révélé jusqu’à présent, on peut déduire que ces troupes entendent bien rester sous l’autorité du Général Bellounis et que ce dernier n’entend nullement céder cette autorité… »

Pour revenir aux réactions, il y a lieu de constater que nos amis français ont été inquiets. Ceux proche de nous, ont pensé qu’il serait bien à ce que le MNA condamne l’expérience de Bellounis. Nos ennemis ont évidemment profité de cette affaire pour essayer d’atteindre le MNA lui-même. Aussi, dans l’Observateur nous vîmes les plumitifs de cet organe s’agiter. En vérité, ces derniers voulaient mettre en vedette le FLN dont il n’ignorait pas ses dissensions intérieures.
Et par la même occasion ils tentaient de noyer l’affaire de Mélouza en s’attaquant à Bellounis et à Messali Hadj. L’Observateur du 12 décembre 1957 publiait un article sous le titre : « Bellounis, Messali Hadj et le FLN » signé JM, sans doute Jille Martinet.

Voici un extrait de sa prose : « …L’aveuglement dont Messali Hadj a fait preuve à l’égard de Bellounis éclaire la précarité de sa position. Depuis plusieurs mois les amis français du fondateur du Mouvement National Algérien lui demandaient de dissiper l’équivoque Bellounis et de prendre clairement positon dans cette affaire.
A toutes les démarches, Messal Hadj répondait invariablement : « je connais bien Bellounis ; j’ai confiance en lui » C’est que Bellounis représentait la dernière carte militaire du MNA en Algérie et qu’en le désavouant on désavouait l’essentiel des forces armées du messalisme… »
C’est là une façon cavalière d’analyser une tactique d’un chef dans une guerre révolutionnaire. Bien que Bellounis ait renié le MNA et Messali Hadj, les plumitifs du lobby FLN en France n’attaquèrent pas moins l’exilé permanent du MNA.

Ce qui est curieux, c’est que ces plumitifs ne disaient absolument rien quand les chefs du FLN trahissaient purement et simplement leur parti.
A notre connaissance, nous n’avons jamais su si un jour Claude Bourdet, J. Martinet, Barrat ou Pierre Stibbe avaient fait une démarche auprès du FLN pour leur demander de condamner le ralliement du fameux Colonel Si Cherif et ses décisions honteuses au Forum des Ultras.
D’autre part, nous n’avons jamais su également, ni lu dans l’Observateur et Témoignage Chrétien quelques critiques à l’égard des ralliements FLN et des déclarations de ceux-ci que nous trouvons dans la presse du 30 aout 1957.

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